Entretien avec Omar Guiga, PDG de Wallyscar
Le constructeur auto tunisien continue à faire dans l’innovation et la diversité. Pour 2024, il annonce un nouveau Business Model axé sur plusieurs segments afin de toucher une plus large frange de clientèle, tout en gardant sa philosophie : proposer des véhicules rassurants avec une importante dotation en équipements et une motorisation performante à des prix abordables.
Etes-vous satisfaits des réalisations de l’année 2023 en termes de production notamment ?
Globalement, ce fut une bonne année. Nous sommes satisfaits quoique pouvant toujours mieux faire. Notre produit phare a été la 719 qui a accaparé 80% de notre parc. Nous avons eu d’excellents retours de la part de nos clients. Nous avons engagé dans le courant de l’année une stratégie de communication qui se différencie et notamment sur la TV. Le but était que nous voulions que les Tunisiens sachent que la 719 existe à un prix abordable pour les familles.
Pour quelle raison alors avez-vous stoppé la production de ce modèle ?
Nous avons arrêté sa production car nous avons opté pour une nouvelle stratégie, à savoir d’être dans le haut de gamme avec des véhicules très équipés, très confortables, avec une belle puissance car nous nous sommes rendus compte que les Tunisiens finalement sont très exigeants et ce qui compte, c’est d’avoir à la fois aussi des voitures abordables.
Nous avons ressenti que celui qui achète du milieu de gamme préfère opter pour une marque étrangère plutôt qu’une marque nationale qui devrait normalement proposer des véhicules d’entrée de gamme à des prix abordables.
Est-ce à dire que vous avez effectué un revirement dans votre stratégie initiale ?
Oui, et nous assumons ce revirement à 100%. Nous sommes en train d’aller vers le haut de gamme à forte valeur ajoutée ; mais cela ne veut pas dire que ce sera uniquement avec des prix chers. Historiquement, nous avons commencé avec des véhicules de niches récréationnels non destinés au grand public et aux petits budgets. Ensuite, nous avons lancé la 619 qui était la voiture la moins chère du marché mais qui a nécessité un énorme travail de marketing.
Puis, nous avons switcher vers la 719 qui était positionnée sur un segment meilleur que la 619 et s’adressant à une cible de personnes beaucoup plus vaste. Si l’on devait se comparer aux concurrents dont les marques ne sont pas connues, on peut dire que notre positionnement est meilleur. Avec un autre logo sur nos voitures, nous aurions vendu beaucoup plus et ce constat est tout simplement frustrant.
D’ici la fin de l’année, nous allons lancer un pick-up premium 4 portes, 4X4
La Wolf est désormais votre nouveau « bébé ». Comment allez-vous la positionner ?
Vu la réaction du public par rapport à nos autres modèles, nous avons décidé, au sein de notre conseil d’administration, de nous concentrer uniquement sur le haut de gamme mais pas forcément cher car nous voulons continuer à faire des voitures grand-public. La Wolf est donc un modèle en parfaite cohérence avec la marque Wallys. Elle s’est faite en coopération avec Jetour mais la différence, c’est que nous sommes libres de changer ce que nous voulons car il s’agit de nos numéros de châssis, nos homologations, nos garanties, etc.
Nous sommes donc responsables à 100% du véhicule. Nous en avons déjà livré une cinquantaine d’exemplaires avec des retours clients très positifs et de nouveaux clients qui viennent en commander sur recommandation de ceux qui en ont déjà acheté. Le taux d’intégration des composants du véhicule est actuellement de 38%.
Il y a encore quelques années, vous ne juriez que par le taux d’intégration industrielle. Celui-ci ne semble plus être votre priorité. Pourquoi ?
Les 38% évolueront si les fournisseurs locaux assurent au niveau de la qualité. Nous discutons d’ailleurs actuellement avec des fournisseurs de moquette et de plafonniers. Mais nous sommes effectivement partis sur une autre logique. La logique d’intégration nous a causé des ennuis de délais et de quantité d’approvisionnement. Nous avons changé d’approche pour nous concentrer sur ce qui est important pour le client et non pas à son désavantage. Et c’est vers cela où va désormais notre énergie et non plus uniquement sur le taux d’intégration.
Notre potentiel pour l’année 2024 est de 1000 véhicules toutes gammes confondues
Est-ce que vous avez l’intention de rester désormais uniquement
sur le segment des SUV ?
Pour 2024, nous avons en projets des véhicules sur différents segments. Ce qu’il faut savoir, c’est que Wallys est un constructeur qui a, derrière lui, plusieurs constructeurs. Concernant la Wolf, nous tablons sur une production de 220 unités. Nous avons déjà enregistré entre 80 et 100 commandes fermes pour le modèle actuellement. Le délai d’attente est d’1 à 2 mois, ce qui reste raisonnable. Nous allons par ailleurs sortir très bientôt un petit SUV entre 75 et 85.000 dinars doté d’un moteur 1.5 L, 150 ch din. avec sièges en cuir, écran tactile, airbags, etc. Et d’ici la fin de l’année, nous allons lancer un pick-up premium 4 portes, 4X4, boîte auto, avec un look baroudeur à l’américaine. Si l’on veut vendre plus de 500 unités en Tunisie, il faut avoir plusieurs segments variés et toujours avec le meilleur rapport qualité/prix/design. Nous ne pourrons pas vendre 1000 voitures d’un même segment sans se diversifier. Et nous ne cherchons pas à être leaders.
Mais plus de modèles sur le marché signifie également une logistique plus importante pour le SAV. Qu’avez-vous prévu à ce propos ?
Nous avons énormément investi dans ce sens. Avec nos partenaires koweitiens (fonds d’investissement Ekuity Capital ndlr), nous avons décidé de nous focaliser sur le SAV et nous avons littéralement « mis le paquet ». Par exemple, nous avons 4 véhicules de remplacement du modèle Wolf en cas d’immobilisation. Et surtout, nous avons changé notre politique d’approvisionnement dans la mesure où nous avons commandé un stock de pièces de 30% supérieur à la production effective.
Concrètement, pour 10 véhicules en première monte, nous en avons 3 autres en pièces détachées pour la 2e monte, ce qui est énorme mais voulu pour avoir un SAV irréprochable. Par ailleurs, notre approvisionnement se fait désormais par avion, ce qui nécessite au maximum 2 semaines pour la livraison.
Quelles sont les capacités de production prévues dans votre usine de Kabaria ?
Notre potentiel pour l’année 2024 est de 1000 véhicules toutes gammes confondues. Parmi ces 1000 unités, il y aura environ 600 Wolf. Nous avons augmenté le nombre de nos équipements et nous construisons une nouvelle chaîne de production en U. Il s’agit d’une nouvelle ligne de production en partenariat avec la GIZ (coopération allemande ndlr) qui nous apporte un financement à hauteur de 50% pour relancer notre modèle IZIS mais cette fois en version électrique. Les premiers modèles devraient sortir à l’été 2025 ; c’est une niche dans la niche. L’IZIS est un véhicule de plage destiné au marché tunisien mais aussi européen dans le respect de tous les codes et homologations UTAC en France.
Nous allons relancer notre modèle IZIS, mais cette fois en version électrique
Estimez-vous aujourd’hui être une marque connue du grand public ?
L’essence de Wallys, c’est d’être une marque de confiance pour les Tunisiens. Etre une référence dans le domaine de l’automobile parmi les marques les plus rassurantes. Etre toujours proches de nos clients. La proximité, c’est ce qui nous différencie des autres.
La proximité exige aussi une présence avec un réseau dans tout le pays. Pour l’instant, vous n’êtes pas sortis de la capitale ?
Ce mois-ci (mars), nous inaugurons un showroom à Sousse (Zorgati Auto). A Sfax, nous travaillons déjà avec un représentant et cette collaboration va devenir officielle avec une agence (AZ Auto) à proprement parlé. Ensuite, nous avons également un projet très avancé sur Djerba qui sera annoncé prochainement. Il nous manque encore le sud-ouest et le nord mais nous serons au final à 4 agences en 2024.
Découvrez notre essai de la Wallys Wolf sur notre chaine youtube