Entretien avec Khaled Bettine, Président-Directeur Général de la SNDP / Agil Energy :
Avec la réouverture de sa nouvelle station-services sur la GP9 Tunis-La Marsa, qui constitue pour elle une station modèle, Agil Energy confirme qu’elle évolue dans la dynamique qui touche le secteur à tous les niveaux en s’adaptant aux tendances du marché et aux besoins changeants des consommateurs. Sous l’ombrelle de la SNDP (Société nationale de distribution des pétroles), elle continue de jouer les premiers rôles, notamment dans la distribution des carburants, sans perdre de vue la mission sociale qui lui incombe en tant que service public.
Vous venez de rouvrir votre station de la GP9 qui entre dans le cadre de votre stratégie de mise à niveau. Où en êtes-vous en termes d’avancement actuellement ?
Pour la nouvelle station-service que nous avons inaugurée récemment, elle est à la hauteur de l’attente de nos clients à tous les niveaux grâce à la nouvelle dynamique que nous lui avons insufflée. C’est la plus grosse du réseau Agil en termes de ventes de carburant, atteignant jusqu’à 50.000 litres par jour. Nous ambitionnons de transformer la majorité de nos autres stations sur ce même modèle. Le programme de mise à niveau que nous avons engagé se poursuit. Certes, on ne peut pas transformer nos 225 stations d’un coup, d’autant que nombreuses d’entre elles sont en très bon état. Dans certaines régions de l’intérieur, il existe encore quelques stations qui datent mais le programme de réaménagement existe.
Chaque année, nous prenons 4 à 5 stations que nous renouvelons. En 2024, nous avons eu de nouvelles créations de stations à Ben Guerdane, à Akouda et à Sfax (Lafrane) qui sont entrées en exploitation, en attendant une 4e station à Djerba-Ajim en cours de construction qui sera prête d’ici la fin de l’année en cours. Nous avons également deux nouvelles stations en projet sur le tronçon autoroutier Sfax-Gabès. L’une en direction de Gabès (niveau Ghraiba, gouvernorat de Sfax), et l’autre en remontant vers Tunis (du côté de Sidi Makhlouf dans le gouvernorat de Médenine, au tout début de l’autoroute). Nous avons obtenu les accords nécessaires pour leur réalisation. Elles devront être opérationnelles avant la fin de l’année 2025.
En 2021, la SNDP a signé avec la STEG la possibilité de vendre de l’électricité pour les voitures électriques. Où en est le projet actuellement ?
Il ne s’agira pas de vente de l’électricité en elle-même, mais une vente de services. Cela a été approuvé officiellement entre les parties, notamment la STEG, l’ANME (Agence nationale de maîtrise de l’énergie) et la SNDP, sous la tutelle bien-sûr du ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Energie. Cependant, les coûts de ces services n’ont pas été déterminés à ce jour mais ils le seront avant la fin de l’année. Il y a des propositions en cours, il faudra aussi peut-être un projet de loi à présenter à l’ARP. Le service payé devra être, dans tous les cas, inférieur à celui de l’essence par rapport au chargement et à la distance parcourue. Par exemple, si le coût de la recharge est de 50 dinars, il faudrait que cela soit l’équivalent en valeur de 100 dinars de carburant en km parcourus. Cela permettra donc des économies; sinon quel intérêt pour les voitures électriques ?
Qu’en est-il justement de l’équipement de vos stations-service par des bornes de recharge ?
Le programme d’équipement de nos stations par de nouvelles bornes de recharge s’inscrit dans notre stratégie de contribution à la réduction des émissions de CO2 et de durabilité environnementale. Elles seront installées sur nos grandes stations-service dans les grandes villes et celles de la côte avec une présence du nord au sud, de Bizerte à Djerba.
Dans notre stratégie également, nous projetons d’équiper la totalité de nos stations, quelle que soit leur nature, d’installations photovoltaïques en soutenant les gérants des stations par une contribution de 30% au montant de l’investissement. Je rappelle que les stations sont la propriété de la SNDP mais données en gérance libre à des particuliers, la SNDP ne gérant pas les stations.
Comment se déroule le partenariat avec les gérants de vos kiosques ?
Nous sommes en train de changer la forme contractuelle qui nous lie puisqu’il a été constaté qu’il y avait des situations confuses et de « deux poids, deux mesures ». Les gérants sont des personnes physiques dans leur majorité, mais certains ont créé des sociétés pour la gestion des stations et là se pose la question de la résiliation qui n’est plus possible dans ce dernier cas.
Pour les personnes physiques, en cas de décès par exemple, le contrat devient caduc. Face à ces situations confuses et pour justement remettre tout le monde sur le même piédestal avec les mêmes droits, j’ai proposé au conseil d’administration une nouvelle procédure, à savoir de permettre à tous nos gérants (ils sont au nombre de 80 environ) de créer une société de gestion (en nom collectif) de la station-service, mais selon des conditions : notamment être solvable, disposer d’une hypothèque, qu’il n’y ait pas eu de contentieux avec la SNDP…
Cela permet donc la continuité de l’activité en toutes circonstances, même en cas de décès du gérant. De plus, nous avons augmenté les coûts de loyer, qui est d’ailleurs une recommandation de la Cour des Comptes car certains anciens loyers étaient dérisoires jusqu’à présent. Cela a créé une nouvelle dynamique et nos partenaires se sentent désormais plus à l’aise. Même s’il y a eu certains avis défavorables. Je rappelle que la propriété de la station et son fonds de commerce demeurent ceux de la SNDP. C’est une nouvelle manière de fonctionner en encourageant le privé, contrairement à ceux qui prétendent que le secteur public s’accapare de tout.
Concernant le développement de la mobilité électrique : considérez-vous qu’il s’agit d’une menace pour une compagnie historiquement pétrolière ou bien une opportunité de développement commercial et de diversification de vos services ?
Je n’y vois pas de menace. Le nombre de véhicules électriques ne pourra en aucun cas concurrencer dans le futur proche le nombre de véhicules thermiques. Notre parc compte environ 2 millions de véhicules. Va-t-on ramener 2 millions de véhicules électriques ? C’est impossible ! On peut envisager qu’à l’horizon 2050, il y aura 50.000, peut-être 100.000 voitures électriques en Tunisie. C’est pour cela que dans nos réflexions, nous n’allons pas équiper toutes nos stations par des points de chargement électrique.
Quel est l’objectif d’être passé à l’appellation Agil Energy ?
Le changement d’appellation a entraîné une modification dans les statuts qui nous permet de rentrer dans la catégorie des entreprises agissant dans les énergies renouvelables. D’une part, nous allons généraliser la production d’électricité via le photovoltaïque dans nos stations et, d’autre part, nous allons également nous atteler à la production de l’électricité. Nous avons un terrain dans la zone industrielle de Thala (gouvernorat de Kasserine) de 3 hectares, destiné à produire 2,5 MW d’électricité. Le budget existe et est maintenu chaque année, reste encore à lever quelques entraves administratives. Nous sommes en tout cas à la recherche d’opportunités pour d’autres terrains pour être producteurs d’électricité.
Le pays vit de grands changements vers des énergies vertes, d’hydrogène vert, etc. ; nous devons nous adapter à ces orientations même si à l’origine, notre vocation est d’être des distributeurs d’hydrocarbures. Mais si le secteur automobile va utiliser d’autres types d’énergies, nous devons nous adapter et nous préparer, notamment pour l’électricité.
Quelles relations entretenez-vous avec les concessionnaires automobiles ?
Nous sommes en relation de la même manière et avec la même distance avec tous les concessionnaires. Nous sommes ouverts à toute proposition de partenariat qui nous conviendrait, notamment pour ceux qui voudraient adopter nos lubrifiants.
Au niveau du carburant premium, quel bilan peut-on tirer de son utilisation depuis son lancement ?
C’est un carburant de meilleure qualité mais qui est plus cher, donc qui n’est pas sollicité de la même manière. C’est surtout sur la capitale qu’il y a de la demande. Il permet en tout cas de mieux préserver l’état du moteur puisqu’il est plus raffiné. S’il y a des besoins qui se manifestent sur le marché, nous serons toujours intéressés. Je rappelle que ce sont des additifs qui sont ajoutés au carburant pour en améliorer la qualité.
Les bons de carburant classiques Agil ont-ils été totalement remplacés par la carte AGILIS ?
Les bons de valeur existent encore mais notre objectif est de supprimer totalement tout ce qui est papier. Jusqu’à une date récente, il y avait des bons de 30, 40 et 50 dinars. Maintenant, nous avons maintenu uniquement ceux de 40 dinars après avoir retiré successivement les deux autres. Il y a aussi les bons de 20 litres qui existent encore mais qui ont diminué. La carte Agilis domine maintenant le marché. Les parcs de la majorité des administrations l’ont adoptée. Et même pour les fonctionnaires, la grande majorité l’utilise désormais et s’y sont habitués bien qu’au début, elle inquiétait ses utilisateurs. La carte est plus sécurisée et nécessite moins de gestion de paperasse. Si elle est perdue, il n’y a pas de problème alors qu’un bon perdu, il l’est définitivement. Dans le cadre de cette digitalisation et pour anticiper sur le nombre croissant des utilisateurs de la carte, nous sommes en train d’améliorer notre plateforme pour qu’elle soit en mesure de gérer l’augmentation d’activité et surtout pour assurer la sécurité des transactions.