C’est un acteur qui, progressivement, fait son nid dans l’écosystème des bus, camions, engins de BTP, chariots, groupes électrogènes, etc. A la base agent officiel d’une marque automobile européenne, SAMA a été rachetée par le groupe Zouari en 2011 qui l’a transformé en concessionnaire de véhicules industriels et engins de terrassement. L’entreprise fonde de grandes ambitions sur son secteur sur les prochaines années en dépit des conditions contraignantes de la conjoncture comme le confirme son directeur général.
Vous avez lancé il y a quelque temps une activité de montage local de bus sous la marque King Long. Comment se porte le secteur dans un contexte marqué par une crise qui frappe les agences de voyage notamment ?
Nous avons commencé avec les mini-bus de 30 places. Nous avions des commandes avant le Covid qui ont été annulées et depuis, il n’y a pas de vente sur ce secteur à cause de l’augmentation des prix consécutive à la chute du dinar par rapport à la devise. Et pourtant, l’industrie de montage des bus, c’est vraiment là où il y a de la valeur ajoutée puisque tout ce qui est carrosserie se fait en Tunisie, ce qui constitue à lui seul un transfert technologique car ce n’est pas simple. Nous avons en tout cas lancé le 50 places mais nous sommes en phase d’intégration locale et de formation de nos équipes.
L’industrie de montage des bus, c’est vraiment là où il y a de la valeur ajoutée
Maintenant, il y a l’habillage intérieur du bus qu’on pourrait faire en Tunisie. Malheureusement, les équipementiers commencent à disparaître à cause de l’importation cannibalisée qui s’est créée. Les entreprises qui fabriquaient des sièges, des phares, des tableaux de bord ont disparu. Le tissu industriel qui s’était créé autour de la STIA dans les années 70/80 est mort. Si l’on veut faire revivre l’industrie automobile, c’est par le bus.
C’est vrai que la taille du marché est limitée et empêche le développement mais il faut faciliter les lois pour s’ouvrir à l’exportation. Si on veut vraiment développer le secteur du bus, il faut libérer l’activité transport en commun sans laquelle on ne pourra jamais développer une activité industrielle. Les agences de tourisme ne peuvent pas absorber toute la production locale.
Que préconisez-vous exactement en matière de transport en commun ?
Il faut laisser le privé investir dans le transport régional. La qualité du transport aujourd’hui laisse à désirer et les entreprises publiques de transport sont en déficit. En Tunisie, nos bus sont bien équipés, certes pas le grand luxe mais parfaitement corrects. Il faut jouer sur le carburant et aller vers l’électrique et l’hybride pour réduire les coûts d’exploitation.
Ce qui est sûr, c’est que ce sera plus rentable qu’un moteur thermique vu qu’il y a beaucoup moins d’entretien sur un bus électrique. Il y a aussi l’absence de transport dans les communes sur le parcours rural qui peut être exploité par des sociétés différentes. Aujourd’hui, tout est cannibalisé par les louages. Cela entraîne de grosses sorties en devises pour les 9 places, encombrement des routes, consommation de gasoil par ces petites unités. Il y a vraiment une grosse économie à faire.
Mais l’activité louage et transport rural a aussi une portée sociale et crée de l’emploi.
C’est une manière de résoudre les problèmes à court-terme. De grandes sociétés pourraient être créées dans le transport communal (sur le modèle de coopératives par exemple) dans les régions. Ces familles qui gagnent leur vie à travers le louage pourraient le faire à travers le bus et cela étendra les possibilités d’emplois puisqu’il y aura des chauffeurs, des contrôleurs, des mécaniciens pour l’entretien. Ce sera des entreprises beaucoup plus structurées et c’est un modèle qui se fait ailleurs comme en Algérie, au Maroc, à Dubaï, en Arabie saoudite…. Il faut voir toutes les activités annexes qui seront créées.
Un parc de bus entraîne toute une logistique derrière. C’est mieux que d’importer 10.000 véhicules 9 places par an. Face au déficit énergétique actuel, il suffit de voir le gain à faire pour l’Etat. Au lieu de 1000 véhicules, vous aurez une centaine de bus. Sans parler de la capacité supplémentaire qu’elle apportera.
Il faut jouer sur le carburant et aller vers l’électrique et l’hybride
Vous représentez également les marques Hyundai et Shacman. Quel positionnement pour chaque marque à la lumière du marché ?
Pour Hyundai, ce sont les petits camions (3.5 à 8 T) représentés par notre filiale Sotudis et pour Shacman, c’est le poids lourd. Le marché représente actuellement à peine 30% de sa taille habituelle, c’est-à-dire qu’il a perdu 70% de son volume d’activité par rapport à 2016/2017 qui s’est déprécié au fur et à mesure. Cela s’explique par la baisse d’activité économique.
Le secteur de la construction est en faillite : absence de projets et défaut de paiement de la part de l’Etat. Il reste tributaire de la reprise économique. Et pour les quelques projets qui seraient lancés, il n’y a pas de financement. Donc, tout le monde souffre et personne ne peut investir.
Comment une entreprise comme la vôtre peut-elle donc survivre dans un tel climat économique ?
Nous essayons de diversifier nos produits pour toucher un maximum de segments et d’élargir nos gammes.
Etes-vous optimiste pour l’avenir ?
Optimiste, on le reste toujours heureusement. Mais je pense que la reprise n’est pas pour demain. Même s’il y a des décisions du gouvernement pour relancer l’économie, ce secteur ne pourra pas redémarrer du jour au lendemain. Pour relancer des projets d’infrastructures, les travaux ne débuteront pas aujourd’hui. 2023 sera aussi difficile que 2022, si ce n’est plus et il suffit pour cela de voir les prévisions de croissance de la Banque mondiale qui montrent qu’elles sont en baisse.
S’il y a une reprise, ce sera fin 2023 mais cela reste tributaire de ce que l’Etat va faire dans ce secteur et s’il a les moyens d’investir. Le secteur des engins BTP et camions dépend de l’investissement public dans les infrastructures et dans l’industrie.
Installation prochaine à Tunis
L’entreprise SAMA est basée à Sousse. A partir du premier trimestre 2023, elle s’installera à Tunis au niveau de Bir El Kassaa sur un nouveau site conjointement avec la Sotudis, autre entreprise du Groupe Zouari. Outre les parties administration et showroom propre à chaque société, un atelier couvrant 8000 m² sera exploité en commun.