Le monde du transport allant de plus en plus vers l’électrique, une start-up tunisienne, Bako Motors, a l’ambition de révolutionner le marché en misant sur un combiné entre l’électrique et l’énergie solaire. L’innovation consiste en la conception d’un tricycle équipé d’une batterie électrique soutenue par un panneau solaire. L’idée permet de réduire drastiquement le coût d’exploitation du véhicule. Convaincu que « Teamwork Makes the Dream Work » et qu’il suffit d’avoir une équipe et d’être doté de volonté et de persévérance pour aller loin, Boubaker Siala s’est lancé dans cette nouvelle aventure avec ses propres moyens. Aujourd’hui, son rêve commence à prendre forme, à se concrétiser et à grandir en visant le marché africain. Dans cet entretien, le fondateur du projet parle à Sayarti de la naissance de l’idée, de son business model et des perspectives de développement de Bako Motors.
Comment vous est venue l’idée de Bako Motors ?
En 2021, je me suis dit qu’ayant une société de photovoltaïque et une importante expérience dans l’automobile, pourquoi ne pas fabriquer un véhicule fonctionnant à l’énergie solaire. Sans tarder, nous nous sommes penchés sur la préparation du concept. Les premiers tests ont été payants et nous sommes passés au prototypage du véhicule pour lequel nous avons choisi le nom « Bako Motors ». MAN nous a aidés en nous apportant son expérience dans l’industrie des bus. Petit à petit, l’idée a commencé à prendre forme en décidant de nous lancer dans le service « Last Mile Delivery Vehicle » (véhicule de livraison du dernier kilomètre), car il existe un potentiel important sur le marché. Des sociétés comme Jumia, Aramex, etc., ont besoin de ce type de véhicules avec notamment un coût d’exploitation beaucoup moins cher par rapport aux véhicules classiques.
Quels avantages offre Bako Motors par rapport aux utilitaires classiques ?
En fait, le coût d’exploitation des véhicules utilitaires classiques pour 100 km est estimé entre 20 et 30 dinars. Avec Bako Motors, le coût est très bas, de 1 dinar seulement pour 100 km parcourus. Le système de ravitaillement est composé d’une batterie électrique rechargeable fournissant une autonomie de 80 km soutenue par un panneau photovoltaïque qui lui fournit une autonomie supplémentaire de 50 km, soit un total de 130 km, sachant que la distance moyenne parcourue par un utilisateur commercial tunisien ne dépasse pas 21 km par jour. Nous avons choisi la batterie parmi les grandes marques internationales. Idem pour le moteur électrique. Le reste est du Made in Tunisia avec un taux d’intégration aux alentours de 70%. La caisse du tricylce sera composée d’une partie métallique et d’une autre en fibre de verre. Notre prototype a été développé par des personnes ayant contribué au développement de grandes marques internationales. En réalité, j’ai profité d’un tissu industriel riche de composants automobiles en Tunisie en jouant le rôle de fédérateur afin de produire notre véhicule. J’ajoute là que certains jugent qu’il n’est pas rentable de s’approvisionner chez les équipementiers tunisiens ; je leur dis que ce n’est pas vrai, particulièrement aujourd’hui avec le coût exorbitant du transport international.
En quoi consiste votre business plan ? Et quelles perspectives de développement de votre projet ?
Notre Roadmap est très claire. A court-terme, nous prévoyons de développer et de faire sortir le premier véhicule de série au mois de juin 2022. Actuellement, nous travaillons sur tout ce qui est prototypage. Nous avons fabriqué le prototype A, tandis que le prototype B est en cours de préparation. Ensuite, il y aura les prototypes C et D. Puis, nous sortirons la pré-série avant de produire la première unité de série. Nous devons passer par toutes ces étapes avant d’atteindre la maturité du produit. Nous devons de même travailler la sécurité et tester la voiture avant sa mise en circulation. En somme, les 8 prochains mois seront décisifs avant de produire la première voiture de série vendable et l’ouverture du carnet de commandes.
A moyen-terme, soit en octobre 2022, nous estimons produire une version trois roues pour le transport des passagers destinée à l’Afrique, précisément pour un partenaire à Lagos (Nigeria). Dans cette optique, je dois souligner que notre objectif est de mettre sur le marché un véhicule de qualité qui rime avec notre devise « Be Simple, Be Good ». « Simple » parce qu’il n’y a pas beaucoup de boutons et le véhicule n’est pas compliqué. A l’intérieur, il n’y a que 4 boutons avec une boite de vitesse automatique, un écran et un GPS ainsi qu’une ceinture de sécurité. «Good » car nous souhaitons créer un produit avec une très bonne qualité pour l’Afrique mais avec des normes et standards européens.
Plus tard, en novembre 2023, nous lancerons le Concept Car pour la version 4 roues. Ce sera une voiture qui fonctionnera également avec de l’électrique et de l’énergie solaire.
Combien de personnes pourra-t-il transporter ?
Cette version destinée à l’Afrique est un tricycle pouvant embarquer quatre personnes, deux dans la cabine avant et deux à l’arrière. Quant à la version commerciale, elle pourra transporter deux personnes dans la cabine avec deux mètres cubes derrière pour stocker les marchandises ou autres.
Quel schéma de financement avez-vous adopté ?
A l’heure actuelle, nous travaillons avec nos propres moyens et le soutien de certains Business Angels. Toutefois, il y a des fonds qui nous ont contactés et qui souhaitent investir dans le projet. De plus, nous sommes en discussions avancées avec un investisseur tunisien très connu. En tout cas, nous ne sommes pas pressés et nous souhaitons aller « Step by Step ».
Quid de votre programme de production ?
La production ne commencera qu’à partir du deuxième semestre de l’année 2022. En effet, entre 70 et 80 unités seront produites l’année prochaine. Puis, nous irons crescendo avec 200 unités en 2023 et 400 l’année d’après. La production doublerait ainsi chaque année si l’export le permet évidemment. Quant au marché local, dans les années de croisière, il absorberait au maximum 100 unités par an. En fait, nous ciblons les pays ayant un besoin important en tricycles. Outre le Nigeria, nous sommes en discussions aussi avec les Egyptiens et un puissant partenaire au Kenya.
Quel bilan de votre participation au dernier Salon de l’automobile à Munich (IAA) ?
Nous n’avons pas participé au salon avec un prototype mais nous l’avons présenté sur un écran LCD. Le bilan est très positif. Nous étions très visibles notamment avec la nouvelle organisation du salon. Notre stand était entre ceux de Ford et de Renault. C’était une très belle expérience. La presse internationale a parlé de Bako Motors. Der Spiegel, l’une des plus importantes revues allemandes, a même publié une interview. Plus de 20 journaux internationaux ont parlé de Bako Motors. Nous avons atteint cet objectif en moins d’un an, c’est un exploit vu le contexte actuel.
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